«L’apprentissage en milieu clinique reste une forme de compagnonnage»

Interview du docteur David Gachoud, qui a obtenu le «Teaching Award 2017» lors du congrès d’automne de la SSMIG conjointement avec le docteur Matteo Monti pour son activité novatrice d’enseignement et de formation à l’hôpital universitaire de Lausanne.

Dr David Gachoud (à droite) avec son collègue Dr Matteo Monti

Vous venez de recevoir un «award» pour votre activité comme enseignant.
À votre avis, qu’est-ce qui distingue un bon enseignant?

 

Tout d’abord, je tiens à remercier le comité de la SSMIG/SGAIM d’avoir mis un Teaching Award au concours. C’est un magnifique signe en faveur de toutes celles et tous ceux qui s’engagent dans l’enseignement. Je pense qu’il y a dans notre pays beaucoup de très bons enseignants, beaucoup de médecins qui s’engagent quotidiennement dans l’encadrement et la formation de leurs jeunes collègues. J’ai côtoyé de tels enseignants tout au long de ma formation pré- et postgraduée. D’ailleurs, je me souviens encore d’eux aujourd’hui. En milieu clinique, le bon enseignant est probablement celui qui atteint l’équilibre entre des soins optimaux aux patients et un encadrement adapté aux besoins des étudiants et des médecins-assistants. L’encadrement idéal est celui qui permet la meilleure progression possible, en toute sécurité pour les patients et pour les médecins en formation aussi.

Que pensez-vous que vos étudiantes et étudiants apprécient particulièrement chez vous ou dans votre manière d’enseigner?

 

Je pense bien sûr qu’il faut être très sensible aux besoins et au vécu de nos médecins en formation mais je pense aussi que la satisfaction des personnes en formation n’est pas le seul critère qui définisse le succès d’un enseignement. Au final, l’important est que l’étudiant ou le médecin-assistant apprenne vraiment et gagne en autonomie. Cela peut nécessiter, par exemple, un feed-back qui ne sera pas toujours facile à accepter.

Quelle est votre motivation à endosser le double rôle de médecin et d’enseignant?

 

Je pense que le double rôle de médecin et enseignant fait partie intégrante de notre profession. En tant que médecins, nous suivons une formation de longue durée qui présuppose l’engagement de nombreux enseignants pour nous permettre d’être autonomes. L’apprentissage en milieu clinique reste une forme de compagnonnage, où le superviseur démontre la façon d’appliquer un savoir hautement spécialisé à la situation spécifique d’un patient. Il me paraît normal de s’engager pour nos jeunes collègues au terme de notre propre formation.

Quels sont les futurs défis de l’enseignement au niveau de la MIG?

 

L’enjeu de l’enseignement est directement lié à celui de notre discipline. Le champ des connaissances évolue à une telle vitesse que notre rapport au savoir évolue. Comment l’interniste généraliste fait face à cette masse de connaissances et de nouvelles possibilités diagnostiques et thérapeutiques, c’est cette façon de pratiquer la médecine qu’il faudra redéfinir et cela influencera bien sûr la façon de l’enseigner. Dans tous les cas et dans toute cette évolution, l’essence de notre travail restera la relation au patient dans toute son humanité. En tant qu’internistes généralistes soucieux de transmettre notre métier, nous devons rester garants de la qualité de cette relation au patient. Nous devons préserver une approche empathique basée sur l’écoute du patient et sur un examen physique performant.

Un pilier central de la SSMIG est la promotion de la relève. À votre avis, quels sont les meilleurs arguments pour rallier de jeunes futurs médecins à la MIG?

 

La façon la plus évidente de rallier nos jeunes collègues à la MIG est de les exposer, pendant leur formation, à des médecins enthousiastes et passionnés par leur pratique d’interniste généraliste. Il s’agit finalement d’expliciter aux étudiants les motivations pour lesquelles nous exerçons la médecine interne générale. Je sais que beaucoup d’enseignants le font déjà mais je pense qu’on n’insiste jamais assez sur les raisons de notre engagement et sur la passion que nous pouvons avoir pour notre travail. Par exemple, c’est ce que je m’efforce d’illustrer lorsque je donne des enseignements au lit du malade aux étudiants lausannois de 3e année.

Info: Dr Matteo Monti et Dr David Gachoud

Les deux lauréats s'investissent avec un enthousiasme et un professionnalisme hors norme dans la conception, la coordination et l'amélioration de l'enseignement tant au niveau du service de médecine interne qu'au niveau de la faculté de Biologie et de Médecine. Nous relevons leur investissement à tous les niveaux : enseignement prégradué, postgradué et formation continue. Leurs compétences sont mises à profit dans de nombreux projets non seulement au niveau local mais aussi national.
Qu'il s'agisse d'enseignement en milieu clinique, de cours en auditoire ou en petits groupes, nos deux collègues consacrent chacun plus de 200 heures par an à la formation médicale. Ils assurent également la coordination des stages en milieu clinique pour les étudiants en médecine. Dans le domaine de l'évaluation, ils sont des références locales et nationales pour les « évaluations en milieu de travail (Mini-CEX/DOPS) »; ils ont coaché et soutenu plusieurs services d'hôpitaux romands dans l'implantation de ce type d'évaluation.

 

Les Drs Monti et Gachoud sont aussi très investis dans l'amélioration et l'innovation pédagogiques. Nous soulignons en particulier le développement de nouveaux formats d'enseignement en petits groupes pour les étudiants en médecine et la mise en place d'un nouveau cursus de formation postgraduée en médecine interne comprenant la création d'un programme de formation par e-learning et des « academic half-days ».


Ce programme a vu l'introduction de formations par la simulation avec des mannequins ou des acteurs. Le Dr Monti s'est beaucoup engagé dans la formation aux procédures invasives, ainsi que dans l'implantation et la formation à l'ultrasonographie au lit du patient. Quant à David Gachoud, il s'est pleinement dédié au développement de la formation interprofessionnelle. II a mis en place plusieurs formations spécifiques prégraduées, dont les « Journées interprofessionnelles » réunissant chaque année plus de 500 étudiants.

Avec des collègues genevois et bernois, ils ont fondé le « Swiss lnterest Group for Teaching Medicine » qui conduit depuis 2012 des ateliers « Teach the Teachers » lors des réunions de printemps de la SSMIG.